jueves, 23 de mayo de 2013

R de Risque


À Mon Pouchkine, Marine Tsvetaïeva raconte comme Pouchkine était tué. C’était la première chose qu’elle a su sur le poète russe : qu’il fut tué – si non, il aurait vécu éternellement, nous en somme sûrs – entre le blanche de la neige et le noire de la foret russe. Pouchkine tomba et rougit la terre, tandis que Dantès partait.
Pouchkine fut tué dans un duel, qu’il joué. Dantès était français et détestait Pouchkine. Il voulait le tuer parce qu’il envisageait ses poèmes. Pouchkine se battit en duel et je l’aime pour cela et ses poèmes, qui étaient le vrai duel.

J’ai peur. Je peux. Ma peur. La perte.

Deux fois j’ai parlé ici de la peur et voilà la troisième pour l’intégrer, enfin. Jusqu’au point de toucher l’absurde, en me battant avec elle pour l’enterrer. Bataille significative, en revanche, courir le risque.

Je pourrai chercher le chemin pour me battre avec la peur mais je le sais absurde. Je connais déjà la fin est c’est la parole par s, c’est la s du silence, la s de la solitude, la s de se savoir... Mais on peut déguiser ce s, et je la déguise de peur, parce que c’est une farce entre mille pour faire voir le vivre ensemble. C’est mon choix, plus lucidement, depuis quelques ans, depuis de mon m. Je ne peux pas le voir – la voir – d’une autre manière, pour l’instant. Toujours avec la souffrance à la fuite, la disparition, l’abîme, la perte.

Et si je me lance à jour avec l’abîme ? Il ne m’a fallu pas adoucir ces ans, non. Je me trouve très à l’aise dans le chaos, afin de ne voir nulle part la lucidité du s. Mais j’en parlerai trop tard.

Maintenant, il faut parler de mon duel quotidien et irréfrénable avec l’abîme. Et qui me jette à la défense : à prendre tous risques. Assurance tous risques qui se bat avec le désir.

Et c’est alors que je peux parler de mon Michel. Le Mont Michel. Mon Leiris.

Comme préface à L’Age d’homme, Michel Leiris écrivit en 1933 « De la littérature considéré comme une tauromachie ». Dans ce texte si précieux Leiris avoue qu’il va risquer sa vie, à travers l’écriture. La littérature se présente comme l’instrumente d’une catharsis, d’une liquidation, à travers laquelle il va se confesser avec le maximum de lucidité et sincérité. Il ne cache pas son désir d’être absous : c’est le désir de tout texte autobiographique.

Mais sa peur est autre: le fait d’arriver jusqu’au fond de soi-même et après décorer le parcours avec les mensonges de l’esthétique. Cela le torero ne le fait jamais !

Le torero se bat en duel avec des fioritures, mais tout nu. Et c’est pour le torero qu’il y a toujours risque de mort, ce qui n’est pas jamais pour l’écrivain (sauf dans certains contextes politiques externes). Non : le but de Leiris est amener le risque de mort du torero jusqu’à son intérieur, bien qu’il soit seulement en montrant la pointe du corneau du taureau.

« Mettre à nu certaines obsessions d'ordre sentimental ou sexuel, confesser publiquement certaines des déficiences ou des lâchetés qui lui font le plus honte, tel fut pour l'auteur le moyen – grossier sans doute, mais qu'il livre à d'autres en espérant le voir amender – d'introduire ne fût-ce que l'ombre d'une corne de taureau dans une œuvre littéraire »

Il s’agit moins de parler de « littérature engagée » que de s’engager tout entier. Attendant que l’écriture lui modifie ou l’aide à prendre conscience de soi-même, Leiris admet seulement que des faits véridiques et rejet tout affabulation de sa vie.

« Car dire la vérité, rien que la vérité, n'est pas tout : encore faut-il l'aborder carrément et la dire sans artifices tels que grands airs destinés à en imposer, trémolos ou sanglots dans la voix, ainsi que fioritures, dorures, qui n'auraient d'autre résultat que de la déguiser plus ou moins, ne fût-ce qu'en atténuant sa crudité, en rendant moins sensible ce qu'elle peut avoir de choquant »

Parce que la réalité n’a pas d’artifices. Le duel de Poushkine et de Leiris est le vrai duel. Se mettre en péril est voir qu’il n’y a rien. Courir le risque du torero c’est danser au milieu de l’abîme. Il n’y a pas aucun doute : il n’y a risque d’erreur, si on décide de danser avec le risque. Risquer sa vie, c’est s’exposer à la mort. Mais on vit seulement dans la conscience et la décision de ce risque. Si on décide de le vivre, on risque un œil à la fenêtre. Si je risque-tout - je vis.

Les risques du métier :

 
 Michel Leiris et le courneau du taureau

 
Juan Belmonte, matador de toros

1 comentario:

  1. Qué bonito lo hace usted doña! "Ahora hace falta hablar de mi duelo cotidiano e irrefrenable con el abismo"

    Batirse en duelo con lo cotidiano es aprender a torear al dolor, el drama de la vida, porque por muchos toros que toreemos siempre habrá uno que termine por embestirnos. Cuántas cornadas es capaz de soportar la fortaleza humana? A veces, creo que una parte de nosotros se embrutece para poder resistir, sin embargo, es la sensibilidad y el arte lo que nos puede salvar del abismo (por un tiempo)
    El abismo de lo cotidiano, en mi caso, son unos guantes de goma para fregar la loza, que te pongan en una cafetería una taza de café con unos labios de carmín pintados en el borde, una avería en el auto, un checkeo médico, que te eche la bronca el jefe, que te pese la vida, y así seguir cayendo. Nada demasiado artístico, pero sí, batirse en duelo con el abismo cotidiano.

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