« La
lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil »
René
Char
Hier j’ai vu Amour, dernier film de Haneke.
Deux copines
médecines, à la première, ont ri beaucoup au cinéma, deux femmes médecines qui,
devant l’irréalité du film, par rapport à la maladie et à la médicine, et par
rapport à cela qu’il convient de faire, ont pris une distance infranchissable.
Et c’est justement sur la distance et son impossibilité de dépassement sur
laquelle est construit Amour.
Haneke y trace deux
distances : celle du mari et celle des autres. La deuxième est la distance
de la fille, du musicien, des médecines –au film et au cinéma–, de ceux qui
viennent à parler du bien et du mal. Mais la distance terrifiante, c’est celle
du mari. C’est la distance de se savoir dans un endroit sans temps et sans
espace, de se savoir traversé par la maladie et le thanatos inhérent à la vie. De
se savoir empêché à aller jusqu’au fond.
Dans ce trajet,
unique et singulière, la lutte se présente comme infinie. Mais l’infinitude est
accompagnée de l’élégance du héros, qui s’entête à arriver jusqu’à la limite. C’est
pourquoi la sensation d’irréalité : comprendre ce qui s’est passe est déjà
irréel. Et ce manque, cette erreur, n’est autre chose qu’Amour.
Amour, du latin amare, c’est aimer quelqu’un d’amour ou
d’amitié. Aimer dans la distance, dans la différance, c’est vraiment aimer, dit
le philosophe français. Aimer dans la fraternité ce serait s’approprier de
quelqu’un, le contraire à aimer. Aimer signifie s’éloigner, en savant une
limite qu’on ne peut pas dépasser, et qu’elle est là, du début. Une limite
qu’implique approcher la blessure au soleil : c’est la blessure de la
lucidité. Tel le héros de Haneke.
Amour, c’est amour
de quelque chose ou amour de rien ? C’est l’amour des choses belles, dit
Agathon. Mais, alors, si amour aime des choses belles mais ces choses sont éloignées,
amour est beau ou il n’est pas beau ? Non, amour n’est pas beau, dit
Diotime, l’unique femme qui parle chez Platon. Amour, c’est ni beau ni laid.
L’amour n’est fait que pour désirer le beau et le bien. Voici l’histoire :
Aphrodite, déesse de la beauté. Pour sa naissance, les
dieux célébrèrent un banquète. Le dieu Ressource, dieu de l’intelligence, se
trouvait entre eux. Il but de nectar en abondance. Il tomba à s’endormir.
Devant, Penia, déesse de l’indigence, patientait. Elle venait manger les restes
du banquète. Quand elle vit le dieu, elle eût l’idée d’avoir un enfant avec
lui. Cette nuit, elle fût enceinte d’Amour. Voilà qu’Amour, qui vint au monde
le même jour qu’Afrodite, est de nature amoureux du beau et de la pauvreté.
Amour n’a pas de maison, amour dorme dans les coins de la rue. Mais Amour est
aussi passionnante. C’est pourquoi le même jour Amour peut déborder de vie et
puis mourir. Amour peut tout conquérir ; de toute façon, le jour après il
ne lui restera que presque rien. Amour est pauvre. C’est la passion avide, sans
cesse, pour celui qui est beau.
C’est en essayant
d’arriver jusqu’à la fin que le blanc de la page peut s’écrire. Gagner quelques
mètres à la distance, ou habiter avec elle. De toute façon, comme Nancy nous
rappel, « ce qu’on ne peut plus dire, il convient de ne pas cesser d’en
parler ». Écrire, m’écrire, est pousser le langage jusqu’à une certaine
limite. Amour c’est aimer jusqu’à la limite. Je veux me tenter dans ma propre
limite.
C’est pourquoi un
dictionnaire commence entre d’autres, avec la seule ambition d’écrire pour les idiots, ça veut dire, de
me mettre à la place des bêtes, comme faisait la double A d’Antonin Artaud. Dictionnaire
des petits exercices, petites expériences, petites anxiétés quelques fois en
français, d’autres en espagnol, et encore en catalan. J’écrirai pour dépasser
ma limite en savant la bêtise, mais pour respirer. Pour affranchir avec vous. Pour
sortir ma bêtise et la donner en amour. Et ainsi je continuerai à rêver.
ah, el amor, ese dolor indomable! La betise est croire que le amour peut avec toute diference. Máis elle est una betise plein de l´ energie, il faut se laisser enmener, et apres se laisser tomber, Nadie gana en el amor, todos pierden, por eso es mejor dejarse ganar de antemano. La primavera dura lo que dura, pero el otoño, incluso el invierno, tienen también lo suyo. Sin amor se puede vivir (se equivocan los que dicen lo contrario), pero es muy difícil vivir sin haber amado.
ResponderEliminarEster, Ester, ya meditas en francés! Eres una crack.
ResponderEliminarTengo que verla aún...Hoy me acabo las Estancias de Agamben. Es precioso, precioso.
Oh my god quin escrit generós. Són sens dubte les millors paraules que he llegit al voltant de la peli de Haneke i una de les millors crítiques que he llegit d'una peli. I en francès! Potser podries provar al Cahiers du Cinéma? I allò de Baudelaire? “Ce qu'il y a d'ennuyeux dans l'amour, c'est que c'est un crime où l'on ne peux se passer d'un complice.”
ResponderEliminarPalpitaciones: Dans ce trajet, unique et singulière, la lutte se présente comme infinie.
No deixis d'explicar-nos-ho, sisplau.
Baudelaire rules! Però atenció al que ha escrit un hiphopero sobre un mur aquí al costat:
ResponderEliminar"L'amour, c'est comme le Tour de France: on l'attend longtemps et il passe vite". ¡Y olé!